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EN FAMILLE.

si bien que par le vieux valet de chambre et par l’institutrice, son anxiété était tant bien que mal renseignée.

« Il n’y a pas de danger pour la vie, disait Bastien, mais M. Ruchon voudrait voir monsieur se remettre au travail. »

Mlle Belhomme était moins brève, et quand en venant au château donner sa leçon, elle avait bavardé avec le médecin, elle répétait volontiers à son élève ce que celui-ci avait dit, ce qui d’ailleurs se résumait en un mot toujours le même :

« Il faudrait une secousse, quelque chose qui remontât la mécanique morale arrêtée ; mais dont le grand ressort ne paraît cependant pas cassé. »

Pendant longtemps on l’avait redoutée cette secousse, et c’était même la crainte qu’elle se produisît inopinément qui, plusieurs fois, avait retardé l’opération de la cataracte, que l’état général semblait permettre. Mais maintenant on la désirait. Qu’elle se produisît, que M. Vulfran sous son impression reprît intérêt à ses affaires, au travail, à tout ce qui était sa vie, et dans un avenir, prochain peut-être, on pourrait sans doute la tenter avec des chances de réussite, alors surtout qu’on n’aurait pas à redouter les violentes émotions d’un retour ou d’une mort, qu’au point de vue spécial de l’opération on pouvait également redouter.

Mais comment la provoquer ?

C’était ce qu’on se demandait sans trouver de réponse à cette question, tant il semblait détaché de tout, au point de ne vouloir recevoir ni Talouel, ni ses neveux pendant qu’il avait gardé la chambre, et d’avoir toujours fait répondre par Bastien, à Talouel, qui respectueusement venait à l’ordre deux fois par jour, le matin et le soir :