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EN FAMILLE.

Après Talouel, deux conclusions furent encore émises, puis ce fut au patron de rendre son arrêt ; et comme toujours, même plus complet que toujours s’établit un respectueux silence, tandis que les yeux restaient attachés sur lui.

On attendait, et comme il ne disait rien on s’interrogeait du regard : avait-il donc perdu l’intelligence ou le sentiment de la réalité ?

Enfin il leva le bras, et dit :

« Je vous avoue que je ne sais que décider. »

Quelle stupéfaction ! Eh quoi, il en était là !

Pour la première fois depuis qu’on le connaissait, il se montrait indécis, lui toujours si résolu, si bien maître de sa volonté.

Et les regards, qui tout à l’heure se cherchaient, évitaient maintenant de se rencontrer : les uns par compassion ; les autres, particulièrement ceux de Talouel et des neveux, de peur de se trahir.

Il dit encore :

« Nous verrons plus tard. »

Alors chacun se retira, sans dire un mot, et en s’en allant, sans échanger ses réflexions.

Resté seul avec Perrine, assise à la petite table d’où elle n’avait pas bougé, il ne parut pas faire attention au départ de ses employés, et garda son attitude accablée.

Le temps s’écoula, il ne bougea point. Souvent elle l’avait vu rester, immobile devant sa fenêtre ouverte, plongé dans ses pensées ou ses rêves, et cette attitude s’expliquait de même que son inaction et son mutisme, puisqu’il ne pouvait ni lire, ni écrire ; mais alors elle ne ressemblait en rien à