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EN FAMILLE.

dépenses exagérées, Edmond avait été envoyé dans l’Inde, ostensiblement comme acheteur de jute pour la maison paternelle, en réalité comme fils puni, les deux belles-sœurs avaient pensé à tirer parti de cette situation ; et quand ce fils en révolte s’était marié malgré la défense de son père, elles avaient commencé, chacune de son côté, à se préparer pour que leur fils pût, à un moment donné, prendre la place de l’exilé.

À cette époque Théodore n’avait pas vingt ans, et il ne paraissait pas, par ce qu’il s’était montré jusque-là, qu’il pût être jamais propre au travail et aux affaires commerciales : choyé, gâté par sa mère qui lui avait donné ses goûts et ses idées, il ne vivait que pour les théâtres, les courses et les plaisirs que Paris offre aux fils de famille dont la bourse se remplit aussi facilement qu’elle se vide. Quelle chute quand il lui avait fallu s’enfermer dans un village, sous la férule d’un maître qui ne comprenait que le travail, et se montrait aussi rigoureux pour son neveu que pour le dernier de ses employés. Cette existence exaspérante, il ne l’avait supportée que le mépris au cœur pour ce qu’elle lui imposait d’ennuis, de fatigues et de dégoûts. Dix fois par jour il décidait de l’abandonner, et s’il ne le faisait point, c’était dans l’espérance d’être bientôt maître, seul maître de cette affaire considérable, et de pouvoir alors la mettre en actions, de façon à la diriger de haut et de loin, surtout de loin, c’est-à-dire de Paris, où il se rattraperait enfin de ses misères.

Quand Théodore avait commencé à travailler avec son oncle, Casimir n’avait que onze ou douze ans, et était par conséquent trop jeune pour prendre une place à côté de son