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EN FAMILLE.

ne le disait Mlle  Belhomme, et cela aussi bien par suite des convoitises qui s’agitaient autour de M. Vulfran, que par le fait des caractères des deux mères qui avaient engagé la lutte pour que leur fils héritât seul, un jour ou l’autre, des usines de Maraucourt, et d’une fortune qui s’élevait, disait-on, à plus de cent millions.

L’une, Mme  Stanislas Paindavoine, femme du frère aîné de M. Vulfran, avait vécu dévorée d’envie, en attendant que son mari, grand marchand de toile de la rue du Sentier, lui gagnât l’existence brillante à laquelle ses goûts mondains lui donnaient droit, croyait-elle. Et comme ni ce mari, ni la chance n’avaient réalisé son ambition, elle continuait à se dévorer en attendant maintenant que, par son oncle, Théodore obtînt ce qui lui avait manqué à elle, et prît dans le monde parisien la situation qu’elle avait ratée.

L’autre, Mme  Bretoneux, sœur de M. Vulfran, mariée à un négociant de Boulogne, qui cumulait toutes sortes de professions sans qu’elles l’eussent enrichi : agence en douane, agence et assurance maritimes, marchand de ciment et de charbons, armateur, commissionnaire-expéditeur, roulage, transports maritimes, — voulait la fortune de son frère autant pour l’amour même de la richesse, que pour l’enlever à sa belle-sœur qu’elle détestait.

Tant que M. Vulfran et son fils avaient vécu en bons rapports, elles avaient dû se contenter de tirer de leur frère ce qu’elles en pouvaient obtenir en prêts d’argent qu’on ne remboursait pas, en garanties commerciales, en influences, en tout ce qu’un parent riche est forcé d’accorder.

Mais le jour où, à la suite de prodigalités excessives et de