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EN FAMILLE.

— Elle vous verrait le jeudi et le dimanche.

— Nous séparer ! Que deviendrait-elle sans moi, seule à Paris ? que deviendrai-je sans elle ? Si je dois mourir, il faut que ce soit sa main dans la mienne.

— En tout cas on ne peut pas vous laisser dans cette voiture où le froid des nuits vous est mortel. Il faut prendre une chambre ; le pouvez-vous ?

— Si ce n’est pas pour longtemps, oui peut-être.

— Grain de Sel en loue qu’il ne vous fera pas payer cher. Mais la chambre n’est pas tout, il faut des médicaments, une bonne nourriture, des soins : ce que vous auriez à l’hôpital.

— Monsieur, c’est impossible, je ne peux pas me séparer de ma fille. Que deviendrait-elle ?

— Comme vous voudrez, c’est votre affaire ; je vous ai dit ce que je devais. »

Il appela :

« Petite. »

Puis, tirant un carnet de sa poche, il écrivit au crayon quelques lignes sur une feuille blanche, qu’il détacha :

« Porte cela chez le pharmacien, dit-il, celui qui est auprès de l’église, pas un autre. Tu donneras à ta mère le paquet no 1 ; tu lui feras boire d’heure en heure la potion no 2 ; le vin de quinquina en mangeant, car il faut qu’elle mange ; ce qu’elle voudra, surtout des œufs. Je reviendrai ce soir. »

Elle voulut l’accompagner pour le questionner :

« Maman est bien malade ?

— Tâche de la décider à entrer à l’hôpital.

— Est-ce que vous ne pouvez pas la guérir ?

— Sans doute, je l’espère ; mais je ne peux pas lui donner