Page:Malot - En famille, 1893.djvu/408

Cette page a été validée par deux contributeurs.
402
EN FAMILLE.

— Oh ! pas du tout sûre, monsieur, et je voudrais bien qu’au bureau on ne pût pas se moquer d’une dépêche envoyée par vous.

— Alors tu n’es pas en état d’écrire une lettre sans fautes ?

— Je suis sûre de l’écrire avec beaucoup de fautes ; le commencement des mots va à peu près, mais pas la fin, quand il y a des accords, et puis les doubles lettres ne vont pas du tout non plus, et beaucoup d’autres choses encore ; bien plus facile à écrire l’anglais que le français. J’aime mieux vous avouer cela tout de suite, franchement.

— Tu n’as jamais été à l’école ?

— Jamais. Je ne sais que ce que mon père et ma mère m’ont appris, au hasard des routes, quand on avait le temps de s’asseoir, ou qu’on restait au repos dans un pays ; alors ils me faisaient travailler ; mais pour dire vrai, je n’ai jamais beaucoup travaillé.

— Tu es une bonne fille de me parler franchement ; nous verrons à remédier à cela ; pour le moment occupons-nous de ce que nous avons à faire. »

Ce fut seulement dans l’après-midi, en voiture, quand ils firent la visite des usines, que M. Vulfran revint à la question de l’orthographe.

« As-tu écrit à tes parents ?

— Non, monsieur.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne désire rien tant que rester ici à jamais, près de vous qui me traitez avec tant de bonté, et me faites une vie si heureuse.

— Alors tu désires ne pas me quitter ?