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EN FAMILLE.

quand je serai tout à fait incapable d’en porter les charges, et pour hériter de ma fortune quand je mourrai, qui occuperait cette place ? À qui cette fortune reviendrait-elle ? Comprends-tu les espérances embusquées derrière ces questions ?

— À peu près, monsieur.

— Cela suffit, et même j’aime autant que tu ne les comprennes pas tout à fait. Il y a donc près de moi, parmi ceux qui devraient me soutenir et m’aider, des personnes qui ont intérêt à ce que mon fils ne revienne pas, et qui par cela seul que cet intérêt trouble leur esprit, peuvent s’imaginer qu’il est mort. Mort, mon fils ! Est-ce que cela est possible ! Est-ce que Dieu m’aurait frappé d’un si effroyable malheur ! Eux peuvent le croire, moi je ne peux pas. Que ferais-je en ce monde si Edmond était mort ? C’est la loi de nature que les enfants perdent leurs parents, non que les parents perdent leurs enfants. Enfin, j’ai cent raisons meilleures les unes que les autres qui prouvent l’insanité de ces espérances. Si Edmond avait péri dans un accident, je l’aurais su ; sa femme eût été la première à m’en avertir. Donc Edmond n’est pas, ne peut pas être mort ; je serais un père sans foi d’admettre le contraire. »

Perrine ne tenait plus ses yeux attachés sur M. Vulfran, mais elle les avait détournés pour cacher son visage, comme s’il pouvait le voir.

« Les autres, qui n’ont pas cette foi, peuvent croire à cette mort, et cela t’explique leur curiosité en même temps que les précautions que je prends pour que tout ce qui se rapporte à mes recherches reste secret. Je te le dis franchement. D’abord pour que tu voies la tâche à laquelle je t’associe :