Page:Malot - En famille, 1893.djvu/382

Cette page a été validée par deux contributeurs.
376
EN FAMILLE.

saurais te défendre. Au reste, je suis responsable de ce qui arrive. Je les pressentais ces tentatives quand je t’ai recommandé de ne pas parler de cette lettre qui devait éveiller certaines curiosités, et, dès lors, je n’aurais pas dû t’y exposer. À l’avenir, il n’en sera plus ainsi. À partir de demain, tu abandonneras le bureau de Bendit, où on peut aller te trouver, et tu occuperas, dans mon cabinet, la petite table sur laquelle tu as écrit ce matin la dépêche ; devant moi, on ne te questionnera pas, je pense. Mais comme on pourrait le tenter en dehors des bureaux, chez Françoise, à partir de ce soir, tu auras une chambre au château, et tu mangeras avec moi. Je prévois que je vais entretenir avec les Indes un échange de lettres et de dépêches que tu seras seule à connaître. Il faut que je prenne mes précautions pour qu’on ne cherche pas à t’arracher de force, ou à te tirer adroitement des renseignements qui doivent rester secrets. Près de moi, tu seras défendue. De plus, ce sera ma réponse à ceux qui ont voulu te faire parler, aussi bien que ce sera un avertissement à ceux qui voudraient le tenter encore. Enfin, ce sera une récompense pour toi. »

Perrine, qui avait commencé par trembler, s’était bien vite rassurée ; maintenant, elle était si violemment secouée par la joie qu’elle ne trouva pas un mot à répondre.

« Ma confiance en toi m’est venue du courage que tu as montré dans ta lutte contre la misère ; quand on est brave comme tu l’as été, on est honnête ; tu viens de me prouver que je ne me suis pas trompé, et que je peux me fier à toi, comme si je te connaissais depuis dix ans. Depuis que tu es ici tu as dû entendre parler de moi avec envie : être à la