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EN FAMILLE.

avait fait oublier l’heure, si bien que lorsque M. Vulfran était revenu pour monter en voiture, il n’avait trouvé personne.

« Faites chercher Guillaume », dit-il au directeur qui les accompagnait.

Guillaume avait été long à trouver, à la grande colère de M. Vulfran qui n’admettait pas qu’on lui fit perdre une minute de son temps.

À la fin, Perrine avait vu Guillaume accourir d’une allure tout à fait étrange : la tête haute, le cou et le buste raides, les jambes fléchissantes, et il les levait de telle sorte en les jetant en avant, qu’à chaque pas il semblait vouloir sauter un obstacle.

« Voilà une singulière manière de marcher, dit M. Vulfran, qui avait entendu ces pas inégaux ; l’animal est gris, n’est-ce pas, Benoist ?

— On ne peut rien vous cacher.

— Je ne suis pas sourd, Dieu merci. »

Puis s’adressant à Guillaume, qui s’arrêtait :

« D’où viens-tu ?

— Monsieur… je vais… vous dire…

— Ton haleine parle pour toi, tu viens du cabaret ; et tu es ivre, le bruit de tes pas me le prouve.

— Monsieur… je vais… vous dire… »

Tout en parlant, Guillaume avait détaché le cheval, et en remettant les guides dans la voiture, fait tomber le fouet ; il voulut se baisser pour le ramasser, et trois fois il sauta par-dessus sans pouvoir le saisir.

« Je crois qu’il vaut mieux que je vous reconduise à Maraucourt, dit le directeur.