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EN FAMILLE.

fenêtre au midi tendue d’un store en jute à dessins rouges, il paraissait gai à Perrine, non seulement en lui-même, mais encore parce qu’en laissant sa porte ouverte, elle pouvait voir et quelquefois entendre ce qui se passait dans les bureaux voisins : à droite et à gauche du cabinet de M. Vulfran, ceux des neveux, M. Edmond et M. Casimir, ensuite ceux de la comptabilité et de la caisse, enfin vis-à-vis celui de Fabry, dans lequel des commis dessinaient debout devant de hautes tables inclinées.

N’ayant rien à faire et n’osant occuper la place de Bendit, Perrine s’assit à côté de cette porte, et, pour passer le temps, elle lut des dictionnaires qui étaient les seuls livres composant la bibliothèque de ce bureau. À vrai dire, elle en eût mieux aimé d’autres, mais il fallut bien qu’elle se contentât de ceux-là qui lui firent paraître les heures longues.

Enfin la cloche sonna le déjeuner, et elle fut une des premières à sortir ; mais en chemin, elle fut rejointe par Fabry et Mombleux, qui, comme elle, se rendaient chez mère Françoise.

« Eh bien, mademoiselle, vous voilà donc notre camarade, » dit Mombleux, qui n’avait pas oublié son humiliation de Saint-Pipoy et voulait la faire payer à celle qui la lui avait infligée.

Elle fut un moment déconcertée par ces paroles dont elle sentit l’ironie, mais elle se remit vite :

« La vôtre non, monsieur, dit-elle doucement, mais celle de Guillaume. »

Le ton de cette réplique plut sans doute à l’ingénieur, car se tournant vers Perrine, il lui adressa un sourire qui était un encouragement en même temps qu’une approbation.