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EN FAMILLE.

porté, dans lesquelles elle était fière de se pavaner ; évidemment ce n’étaient point des robes de ce genre qui convenaient présentement ; mais les plus simples qu’elle pourrait trouver conviendraient-elles mieux ?

On lui eût dit la veille, alors qu’elle souffrait tant de sa misère, qu’on allait lui donner des vêtements et du linge, qu’elle n’eût certes pas imaginé que ce cadeau inespéré ne la remplirait pas de joie, et cependant l’embarras et la crainte l’emportaient de beaucoup en elle sur tout autre sentiment.

C’était place de l’Église que Mme Lachaise avait son magasin, incontestablement le plus beau, le plus coquet de Maraucourt, avec une montre d’étoffes, de rubans, de lingerie, de chapeaux, de bijoux, de parfumerie qui éveillait les désirs, allumait les convoitises des coquettes du pays, et leur faisait dépenser là leurs gains, comme les pères et les maris dépensaient les leurs au cabaret.

Cette montre augmenta encore la timidité de Perrine, et comme l’entrée d’une déguenillée ne provoquait les prévenances ni de la maîtresse de maison, ni des ouvrières qui travaillaient derrière un comptoir, elle resta un moment indécise au milieu du magasin, ne sachant à qui s’adresser. À la fin elle se décida à élever l’enveloppe qu’elle tenait dans sa main.

« Qu’est-ce que c’est, petite ? » demanda Mme Lachaise.

Elle tendit l’enveloppe qui à l’un de ses coins portait imprimée la rubrique : « Usines de Maraucourt, Vulfran Paindavoine ».

La marchande n’avait pas lu la fiche entière que sa physionomie s’éclaira du sourire le plus engageant :