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EN FAMILLE.

— Tu y avais pensé ?

— Si j’y avais pensé ! Mais je n’osais pas le dire, et depuis que l’idée me tourmentait que nous serions forcées un jour ou l’autre de le vendre, je n’osais même pas le regarder, de peur qu’il ne devine que nous pouvions nous séparer de lui, au lieu de le conduire à Maraucourt où il aurait été si heureux, après tant de fatigues.

— Savons-nous seulement, si nous-mêmes, nous serons reçues à Maraucourt ! Mais enfin, comme nous n’avons que cela à espérer, et que si nous sommes repoussées, il ne nous restera plus qu’à mourir dans un fossé de la route, il faut coûte que coûte que nous allions à Maraucourt, et que nous nous y présentions, de façon à ne pas nous faire fermer les portes devant nous…

— Est-ce que c’est possible ? cela maman. Est-ce que le souvenir de papa ne nous protégerait pas ? lui qui était si bon ? Est-ce qu’on reste fâché contre les morts ?

— Je te parle d’après les idées de ton père, auxquelles nous devons obéir. Nous vendrons donc et la voiture et Palikare. Avec l’argent que nous en tirerons, nous appellerons un médecin ; qu’il me rende des forces pour quelques jours, c’est tout ce que je demande. Si elles reviennent, nous achèterons une robe décente pour toi une pour moi, et nous prendrons le chemin de fer pour Maraucourt, si nous avons assez d’argent pour aller jusque-là ; sinon nous irons jusqu’où nous pourrons, et nous ferons le reste du chemin à pied.

— Palikare est un bel âne ; le garçon qui m’a parlé à la barrière, me le disait tantôt. Il est dans un cirque, il s’y