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EN FAMILLE.

terminée, il se fit conduire par elle à travers les cours de l’usine ; mais cette fois ce fut en la questionnant :

« Tu m’as dit que tu avais perdu ta mère ; combien y a-t-il de temps ?

— Cinq semaines.

— À Paris ?

— À Paris.

— Et ton père ?

— Je l’ai perdu il y a six mois. »

Lui tenant la main dans la sienne, il sentit à la contraction qui la rétracta combien était douloureuse l’émotion que ses souvenirs évoquaient ; aussi sans abandonner son sujet, passa-t-il les questions qui nécessairement découlaient de celles auxquelles elle venait de répondre.

« Que faisaient tes parents ?

— Nous avions une voiture et nous vendions.

— Aux environs de Paris ?

— Tantôt dans un pays, tantôt dans un autre ; nous voyagions.

— Et ta mère morte, tu as quitté Paris ?

— Oui, monsieur.

— Pourquoi ?

— Parce que maman m’avait fait promettre de ne pas rester à Paris, quand elle ne serait plus là, et d’aller dans le Nord, auprès de la famille de mon père.

— Alors pourquoi es-tu venue ici ?

— Quand ma pauvre maman est morte, il nous avait fallu vendre notre voiture, notre âne, le peu que nous avions, et cet argent avait été épuisé par la maladie ; en sortant du