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EN FAMILLE.

— Vous voyez, Benoist, que ce que cette petite dit là n’est pas sot, fit M. Vulfran en s’adressant à son directeur.

— Je vous assure qu’elle n’a pas l’air bête du tout.

— Alors, nous allons peut-être en tirer quelque chose. »

Il se leva en s’appuyant sur une canne et prit le bras du directeur.

« Suis-nous, mon enfant. »

Ordinairement les yeux de Perrine savaient voir et retenir ce qu’ils rencontraient, mais dans le trajet qu’elle fit derrière M. Vulfran, ce fut en dedans qu’elle regarda : qu’allait-il advenir de cet entretien avec les mécaniciens anglais ?

En arrivant devant un grand bâtiment neuf construit en briques blanches et bleues émaillées, elle aperçut Mombleux qui se promenait en long et en large d’un air ennuyé, et elle crut voir qu’il lui lançait un mauvais regard.

On entra et l’on monta au premier étage, où au milieu d’une vaste salle se trouvaient sur le plancher des grandes caisses en bois blanc, bariolées d’inscriptions de diverses couleurs avec les noms Matter et Platte, Manchester, répétés partout ; sur une de ces caisses, les mécaniciens anglais étaient assis, et Perrine remarqua que pour le costume au moins ils avaient la tournure de gentlemen ; complet de drap, épingle d’argent à la cravate, et cela lui donna à espérer qu’elle pourrait mieux les comprendre que s’ils étaient des ouvriers grossiers. À l’arrivée de M. Vulfran ils s’étaient levés ; alors celui-ci se tourna vers Perrine :

« Dis-leur que tu parles anglais et qu’ils peuvent s’expliquer avec toi. »

Elle fit ce qui lui était commandé, et aux premiers mots elle