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EN FAMILLE.

« Vous désirez, mademoiselle ? » demanda une petite vieille d’une voix polie, avec un sourire affable.

Comme il y avait longtemps qu’on ne lui avait parlé avec cette douceur ; elle s’affermit.

« Voulez-vous bien me dire, demanda-t-elle, combien vous vendez votre calicot… le moins cher ?

— J’en ai à quarante centimes le mètre. »

Perrine eut un soupir de soulagement.

« Voulez-vous m’en couper deux mètres ?

— C’est qu’il n’est pas fameux à l’user, tandis que celui à soixante centimes…

— Celui à quarante centimes me suffit.

— Comme vous voudrez ; ce que j’en disais c’était pour vous renseigner ; je n’aime pas les reproches.

— Je ne vous en ferai pas, madame. »

La marchande avait pris la pièce du calicot à quarante centimes, et Perrine remarqua qu’il n’était ni blanc, ni lustré comme celui qu’elle avait admiré dans la montre.

« Et avec ça ? demanda la marchande quand elle eut déchiré le calicot avec un claquement sec.

— Je voudrais du fil.

— En pelote, en écheveau, en bobine… ?

— Le moins cher.

— Voilà une pelote de dix centimes ; ce qui nous fait en tout dix-huit sous. »

À son tour Perrine éprouva la joie de sortir de cette boutique en serrant contre elle ses deux mètres de calicot enveloppés dans un vieux journal invendu : elle n’avait sur ses trois francs dépensé que dix-huit sous, il lui en restait donc