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EN FAMILLE.

tion, d’adresser la parole à un personnage de cette importance, qui de plus était Anglais.

« Monsieur, dit-elle en anglais, voulez-vous me permettre de vous demander, si vous le savez, comment va Rosalie ? »

Chose extraordinaire, il daigna abaisser les yeux sur elle et lui répondre :

« J’ai vu sa grand’mère, ce matin, qui m’a dit qu’elle avait bien dormi.

— Ah ! monsieur, je vous remercie. »

Mais Bendit, qui de sa vie n’avait jamais remercié personne, ne sentit pas tout ce qu’il y avait d’émotion et de cordiale reconnaissance dans l’accent de ces quelques mots.

« Je suis bien aise », dit-il, en continuant son chemin.

Pendant toute la matinée elle ne pensa qu’à Rosalie, et elle put d’autant plus librement suivre sa vision que déjà elle était faite à son travail qui n’exigeait plus l’attention.

À la sortie elle courut à la maison de mère Françoise, mais comme elle eut la mauvaise chance de tomber sur la tante, elle n’alla pas plus loin que le seuil de la porte.

« Voir Rosalie, pour quoi faire ? Le médecin a dit qu’il ne fallait pas l’éluger. Quand elle se lèvera, elle vous racontera comment elle s’est fait estropier, l’imbécile ! »

La façon dont elle avait été accueillie le matin l’empêcha de revenir le soir ; puisque certainement elle ne serait pas mieux reçue, elle n’avait qu’à rentrer dans son île qu’elle avait hâte de revoir. Elle la retrouva telle qu’elle l’avait quittée, et ce jour-là n’ayant pas de ménage à faire, elle put souper tout de suite.

Elle s’était promis de prolonger ce souper ; mais si petits