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EN FAMILLE.

une porte, et pour lit une bonne couche de fougères sèches ; sans compter le plaisir d’habiter dans une maison à soi, la réalité dans le rêve.

Et voilà que ce qui semblait irréalisable devenait tout à coup possible et facile.

Elle n’eut pas une seconde d’hésitation, et après avoir été chez le boulanger acheter la demi-livre de pain de son souper, au lieu de retourner chez mère Françoise, elle reprit le chemin qu’elle avait parcouru le matin pour venir aux ateliers.

Mais en ce moment des ouvriers qui demeuraient aux environs de Maraucourt suivaient ce chemin pour rentrer chez eux, et comme elle ne voulait point qu’ils la vissent se glisser dans le sentier de l’oseraie, elle alla s’asseoir dans le taillis qui dominait la prairie ; quand elle serait seule, elle gagnerait l’aumuche, et là bien tranquille, la porte ouverte sur l’étang, en face du soleil couchant, assurée que personne ne viendrait la déranger, elle souperait sans se presser, ce qui serait autrement agréable que d’avaler les morceaux en marchant, comme elle avait fait pour son déjeuner.

Elle était si ravie de cet arrangement qu’elle avait hâte de le mettre à exécution ; mais elle dut attendre assez longtemps, car après un passant, il en arrivait un autre, et après celui-là d’autres encore ; alors l’idée lui vint de préparer son emménagement dans l’aumuche, qui sans doute était propre et confortable, mais pouvait le devenir plus encore avec quelques soins.

Le taillis où elle était assise se trouvait en grande partie formé de maigres bouleaux sous lesquels avaient poussé des fougères ; qu’elle se fît un balai avec des brindilles de bouleau,