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EN FAMILLE.

— Va lui donner la main, Laïde.

— Vas-y té.

— C’est té qu’é veut. »

Laïde se décida, passa un jupon et descendit.

« Oh ! m’n’éfant, m’n’éfant », cria la voix émue de la Noyelle.

Il semblait qu’elles n’avaient qu’à monter l’escalier qui ne s’enfoncerait plus, mais la joie de voir Laïde chassa cette idée :

« Viens avec mé, je vas te payer un p’tiot pot. »

Laïde ne se laissa pas tenter par cette proposition.

« Allons nous coucher, dit-elle.

— Non, viens avec mé, ma p’tite Laïde. »

La discussion se prolongea, car la Noyelle qui s’était obstinée dans sa nouvelle idée, répétait son mot, toujours le même :

« Un p’tiot pot.

— Ça ne finira jamais, dit une voix.

— J’voudrais pourtant dormir, mé.

— Faut s’lever demain.

— Et c’est comme ça tous les dimanches. »

Et Perrine qui avait cru que quand elle aurait un toit sur la tête, elle trouverait le sommeil le plus paisible ! Comme celui en plein champ, avec les effarements de l’ombre et les hasards du temps, valait mieux cependant que cet entassement dans cette chambrée, avec ses promiscuités, son tapage et l’odeur nauséeuse qui commençait à la suffoquer d’une façon si gênante qu’elle se demandait comment elle pourrait la supporter après quelques heures.

Au dehors, la discussion durait toujours et l’on entendait la voix de la Noyelle qui répétait : « Un p’tiot pot », à laquelle celle de Laïde répondait : « Demain ».