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EN FAMILLE.

pas d’eux et qu’il aime mieux vivre tout seul, manger tout seul. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il les a logés, un dans son ancienne maison qui est à la sortie des ateliers et l’autre à côté ; comme ça ils sont plus près pour arriver aux bureaux ; ce qui n’empêche pas qu’ils ne soient quelquefois en retard tandis que leur oncle qui est le maître, qui a soixante-cinq ans, qui pourrait se reposer, est toujours là, été comme hiver, beau temps comme mauvais temps, excepté le dimanche, parce que le dimanche on ne travaille jamais, ni lui ni personne, c’est pour cela que vous ne voyez pas les cheminées fumer. »

Après avoir repris le panier elles ne tardèrent pas à avoir une vue d’ensemble sur les ateliers ; mais Perrine n’aperçut qu’une confusion de bâtiments, les uns neufs, les autres vieux, dont les toits en tuiles ou en ardoises se groupaient autour d’une énorme cheminée qui écrasait les autres de sa masse grise dans presque toute sa hauteur, noire au sommet.

D’ailleurs elles atteignaient les premières maisons éparses dans des cours plantées de pommiers malingres et l’attention de Perrine était sollicitée par ce qu’elle voyait autour d’elle : ce village dont elle avait si souvent entendu parler.

Ce qui la frappa surtout, ce fut le grouillement des gens : hommes, femmes, enfants endimanchés autour de chaque maison, ou dans des salles basses dont les fenêtres ouvertes laissaient voir ce qui se passait à l’intérieur : dans une ville l’agglomération n’eût pas été plus tassée ; dehors on causait les bras ballants, d’un air vide, désorienté ; dedans on buvait des