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EN FAMILLE.

— On gagne de bonnes journées ?

— Dix sous.

— C’est difficile ?

— Pas trop ; mais il faut avoir l’œil et ne pas perdre son temps. C’est-y que vous voudriez être embauchée ?

— Oui ; si l’on voulait de moi.

— Bien sûr qu’on voudra de vous ; on prend tout le monde ; sans ça ousqu’on trouverait les sept mille ouvriers qui travaillent dans les ateliers ; vous n’aurez qu’à vous présenter demain matin à six heures à la grille des shèdes. Mais assez causé, il ne faut pas que je sois en retard. »

Elle prit l’anse du panier d’un côté, Perrine la prit de l’autre et elles se mirent en marche d’un même pas, au milieu du chemin.

L’occasion qui s’offrait à Perrine d’apprendre ce qu’elle avait intérêt à savoir était trop favorable pour qu’elle ne la saisît pas ; mais comme elle ne pouvait pas interroger franchement cette jeune fille, il fallait que ses questions fussent adroites et que tout en ayant l’air de bavarder au hasard, elle ne demandât rien qui n’eût un but assez bien enveloppé pour qu’on ne pût pas le deviner.

« Est-ce que vous êtes née à Maraucourt ?

— Bien sûr que j’en suis native, et ma mère l’était aussi ; mon père était de Picquigny.

— Vous les avez perdus ?

— Oui, je vis avec ma grand’mère qui tient un débit et une épicerie : Mme  Françoise.

— Ah ! Mme  Françoise !

— Vous la connaissez-t’y ?