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EN FAMILLE.

« Veux-tu que je te donne quelque chose ? demanda Perrine.

— Quoi ?

— Il y a des boutiques, je peux t’acheter un citron ; je reviendrais tout de suite.

— Non. Gardons notre argent. Nous en avons si peu. Retourne près de Palikare, et fais en sorte de l’empêcher de voler ce foin.

— Cela n’est pas facile.

— Enfin veille sur lui. »

Elle revint à la tête de l’âne, et comme un mouvement se produisait, elle le retint de façon qu’il restât assez éloigné de la voiture de foin pour ne pas pouvoir l’atteindre.

Tout d’abord il se révolta, et voulut avancer quand même, mais elle lui parla doucement, le flatta, l’embrassa sur le nez ; alors il abaissa ses longues oreilles avec une satisfaction manifeste et voulut bien se tenir tranquille.

N’ayant plus à s’occuper de lui, elle put s’amuser à regarder ce qui se passait autour d’elle : le va-et-vient des bateaux-mouches et des remorqueurs sur la rivière ; le déchargement des péniches au moyen des grues tournantes qui allongeaient leurs grands bras de fer au-dessus d’elles et prenaient, comme à la main, leur cargaison pour la verser dans des wagons quand c’étaient des pierres, du sable ou du charbon, ou les aligner le long du quai quand c’étaient des barriques ; le mouvement des trains sur le pont du chemin de fer de ceinture dont les arches barraient la vue de Paris qu’on devinait dans une brume noire plutôt qu’on