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EN FAMILLE.

Elle coupa un morceau à la miche ainsi qu’au fromage et les lui tendit.

« En douceur, surtout, ou plutôt je vas manger avec toi, ça te modérera. »

La précaution était sage car déjà Perrine avait mordu à même le pain et il semblait qu’elle ne se conformerait pas à la recommandation de La Rouquerie.

Jusque-là Palikare était resté immobile regardant ce qui se passait de ses grands yeux doux ; quand il vit La Rouquerie assise sur l’herbe à côté de Perrine il s’agenouilla près de celle-ci.

« Le coquin voudrait bien un morceau de pain, dit La Rouquerie.

— Vous permettez que je lui en donne un ?

— Un, deux, ce que tu voudras, quand il n’y en aura plus, il y en aura encore ; ne te gêne pas, fillette, il est si content de te retrouver, le bon garçon, car tu sais c’est un bon garçon.

— N’est-ce pas ?

— Quand tu auras mangé ton morceau, tu me diras comment tu es dans cette forêt à moitié morte de faim, car ça serait vraiment pitié de te couper le sifflet. »

Malgré les recommandations de La Rouquerie il fut vite dévoré le morceau :

« Tu en voudrais bien un autre ? dit-elle quand il eut disparu.

— C’est vrai.

— Hé bien tu ne l’auras qu’après m’avoir raconté ton histoire ; pendant le temps qu’elle te prendra, ce que tu as déjà mangé se tassera. »