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EN FAMILLE.

« Qué que t’as, demanda La Rouquerie, t’es malade ? »

Mais Perrine remua les lèvres sans articuler aucun son, et s’appuyant sur son coude s’allongea tout de son long, décolorée, tremblante, abattue par l’émotion autant que par la faiblesse.

« Hé ! ben, hé ben, cria La Rouquerie, ne peux-tu pas dire ce que t’as ? »

Précisément elle ne pouvait pas dire ce qu’elle avait, bien qu’elle gardât conscience de ce qui se passait autour d’elle.

Mais La Rouquerie était une femme d’expérience qui connaissait toutes les misères :

« Elle est bien capable de crever de faim », murmura-t-elle.

Et sans plus, abandonnant la clairière, elle se dirigea vers la route où se trouvait une petite charrette dételée dont les ridelles étaient garnies de peaux de lapin accrochées çà et là ; vivement elle ouvrit un coffre d’où elle tira une miche de pain, un morceau de fromage, une bouteille, et rapporta le tout en courant.

Perrine était toujours dans le même état.

« Attends, ma fillette, attends, » dit La Rouquerie.

S’agenouillant près d’elle elle lui introduisit le goulot de la bouteille entre les lèvres.

« Bois un bon coup, ça te soutiendra. »

En effet le bon coup ramena le sang au visage pâli de Perrine et lui rendit le mouvement.

« Tu avais faim ?

— Oui.

— Eh bien maintenant il faut manger, mais en douceur ; attends un peu. »