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EN FAMILLE.

triste, n’ayant pas plus d’énergie dans le cœur que dans les jambes.

Le soleil de midi acheva de l’accabler ; maintenant elle se traînait plutôt qu’elle ne marchait, ne pressant un peu le pas que dans la traversée des villages pour échapper aux regards, qui, s’imaginait-elle, la poursuivaient, le ralentissant au contraire quand une voiture venant derrière elle, allait la dépasser ; à chaque instant, quand elle se voyait seule, elle s’arrêtait pour se reposer et respirer.

Mais alors c’était sa tête qui se mettait en travail, et les pensées qui la traversaient de plus en plus inquiétantes, ne faisaient qu’accroître sa prostration.

À quoi bon persévérer, puisqu’il était certain qu’elle ne pourrait pas aller jusqu’au bout ?

Elle arriva ainsi dans une forêt à travers laquelle la route droite s’enfonçait à perte de vue, et la chaleur déjà lourde et brûlante dans la plaine, s’y trouva étouffante : un soleil de feu, pas un souffle d’air, et des sous-bois comme des bas côtés du chemin montaient des bouffées de vapeur humide qui la suffoquaient.

Elle ne tarda pas à se sentir épuisée, et, baignée de sueur, le cœur défaillant, elle se laissa tomber sur l’herbe, incapable de mouvement comme de pensée.

À ce moment une charrette qui venait derrière elle, passa :

« Fait-y donc chaud, dit le paysan qui la conduisait, assis sur un des limons, faut mouri. »

Dans son hallucination, elle prit cette parole pour la confirmation d’une condamnation portée contre elle.

C’était donc vrai qu’elle devait mourir ; elle se l’était déjà