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EN FAMILLE.

Mais pour les écorchures de ses pieds, elle pensa que si elle bouchait les trous que les frottements de la marche avaient faits dans ses bas, elle souffrirait moins de la dureté de ses souliers, et, tout de suite, elle se mit à l’ouvrage. Il fut long autant que difficile, car c’était du coton qu’il lui aurait fallu pour un reprisage à peu près complet, et elle n’avait que du fil.

Ce travail avait encore cela de bon, qu’en l’occupant, il l’empêchait de penser à la faim, mais il ne pouvait pas durer toujours. Quand il fut achevé, la pluie continuait à tomber plus ou moins fine, plus ou moins serrée, et l’estomac continuait aussi ses réclamations de plus en plus exigeantes.

Puisqu’il semblait bien maintenant qu’elle ne pourrait quitter son abri que le lendemain, et comme d’autre part, il était certain qu’un miracle ne se ferait pas pour lui apporter à souper, la faim, plus impérieuse, qui ne lui laissait plus guère d’autres idées que celles de nourriture, lui suggéra la pensée de couper, pour les manger, des tiges de bouleau qui se mêlaient au toit de la hutte, et qu’elle pouvait facilement atteindre en grimpant sur les fagots. Quand elle voyageait avec son père, elle avait vu des pays où l’écorce du bouleau servait à fabriquer des boissons ; donc, ce n’était pas un arbre vénéneux qui l’empoisonnerait ; mais la nourrirait-il ?

C’était une expérience à tenter. Avec son couteau, elle coupa quelques branches feuillues, et les divisant en petits morceaux très courts, elle commença à en mâcher un.

Bien dur elle le trouva, quoique ses dents fussent solides, bien âpre, bien amer ; mais ce n’était pas comme friandise