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EN FAMILLE.

ralentît sa course, car mieux valait encore s’exposer à être inondée que foudroyée.

Elle n’avait pas fait vingt pas que quelques gouttes de pluie larges et épaisses s’abattirent, et elle crut que c’était l’averse qui commençait ; mais elle ne dura point, emportée par le vent, coupée par les commotions du tonnerre qui la refoulaient.

Enfin elle entrait dans le bois, mais l’obscurité s’était faite si noire que ses yeux ne pouvaient pas le sonder bien loin, cependant à la lueur d’un coup de foudre elle crut apercevoir, à une courte distance, une cabane à laquelle conduisait un mauvais chemin creusé de profondes ornières, elle se jeta dedans, au hasard.

De nouveaux éclairs lui montrèrent qu’elle ne s’était pas trompée : c’était bien un abri que des bûcherons avaient construit en fagots, pour travailler sous son toit fait de bourrées, à l’abri du soleil et de la pluie. Encore cinquante pas, encore dix et elle échappait à la pluie. Elle les franchit, et, à bout de forces, épuisée par sa course, étouffée par son émoi, elle s’affaissa sur le lit de copeaux qui couvrait le sol.

Elle n’avait pas repris sa respiration qu’un fracas effroyable emplit la forêt, avec des craquements à croire qu’elle allait être emportée ; les grands arbres que la coupe du sous-bois avait isolés, se courbaient, leurs tiges se tordaient, et des branches mortes tombaient partout avec des bruits sourds, écrasant les jeunes cépées.

La cabane pourrait-elle résister à cette trombe, ou dans un balancement plus fort que les autres n’allait-elle pas s’effondrer ?