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EN FAMILLE.

pas pu avancer, mais par bonheur le vent la poussait, et si fort, que par instants il la forçait à courir.

Pourquoi ne garderait-elle pas cette allure ? La foudre n’était pas encore au-dessus d’elle.

Les coudes serrés à la taille, le corps penché en avant, elle se mit à courir, en se ménageant cependant pour ne pas tomber à bout de souffle ; mais si vite qu’elle courût, l’orage courait encore plus vite qu’elle, et sa voix formidable lui criait dans le dos qu’il la gagnait.

Si elle avait été dans son état ordinaire elle aurait lutté plus énergiquement, mais fatiguée, affaiblie, la tête chancelante, la bouche sèche, elle ne pouvait pas soutenir un effort désespéré, et par moment le cœur lui manquait.

Heureusement le bois se rapprochait, et maintenant elle distinguait nettement ses grands arbres que des abatis récents avaient clairsemés.

Encore quelques minutes, elle arrivait ; au moins elle touchait sa lisière, qui pouvait lui donner un abri que la plaine certainement ne lui offrirait pas ; et il suffisait que cette espérance présentât une chance de réalisation, si faible qu’elle fût, pour que son courage ne l’abandonnât pas : que de fois son père lui avait-il répété que dans le danger les chances de se sauver sont à ceux qui luttent jusqu’au bout.

Et elle luttait soutenue par cette pensée, comme si la main de son père tenait encore la sienne et l’entraînait.

Un coup plus sec, plus violent que les autres la cloua au sol couvert de flammes ; cette fois le tonnerre ne la poursuivait plus, il l’avait rejointe, il était sur elle ; il fallait qu’elle