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Disant cela elle regarda Madeleine avec attention, l’enveloppant entièrement d’un coup d’œil profond.

Puis, après un moment de réflexion, elle continua :

— Puisque nous avons parlé de Saffroy, il convient d’aller jusqu’au bout, dit-elle.

Et, lui prenant les deux mains, elle l’attira vers elle, de manière à la bien tenir sous ses yeux :

— Tu n’as pas oublié que nous savons dit que tu serais notre fille. Ce rôle que nous voulons prendre dans ta vie nous impose des obligations sérieuses ; la première et la plus importante est de penser à ton avenir, c’est-à-dire à ton mariage.

— Mais ma tante…

— Pour une jeune fille toute l’existence n’est-elle pas dans le mariage ? Tu veux me dire sans doute que ce n’est point en ce moment que tu peux songer au mariage. Nous partageons ton sentiment. Mais nous serions coupables, tu en conviendras, si nous n’avions souci que de l’heure présente ; nous devons nous préoccuper du lendemain, et c’est ce que nous faisons.

Madeleine écoutait avec inquiétude, car elle ne voyait que trop clairement où l’entretien allait aboutir.

— En raisonnant ainsi, continua madame Haupois-Daguillon, nous ne voulons pas, comme certains parents égoïstes, nous décharger au plus vite de la responsabilité qui nous incombe, et il n’est nullement dans nos intentions d’avancer le jour où nous nous séparerons. Nous t’aimons, ton oncle et moi, avec tendresse, et ce sera un chagrin pour nous que cette séparation, un chagrin très-vif, je t’assure. Cela dit, je reviens à Saffroy dont, en réalité, je ne me suis pas éloignée autant que l’incohérence de mes paroles peut te le faire supposer.