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XIV

Dans ces circonstances, Madeleine crut que le mieux était de se conduire, avec Saffroy de façon à ce que celui-ci comprît bien qu’elle ne serait jamais sa femme : si elle lui inspirait cette conviction, il renoncerait sans doute à son projet ; on n’épouse pas volontiers une jeune fille qui vous dit sur tous les tons, qui vous crie bien haut et bien clairement qu’elle ne vous aime pas.

Mais la choses ne tournèrent point comme elle l’avait espéré ; Saffroy ne montra aucun découragement, et, comme elle persistait dans sa réserve et sa froideur, sa tante intervint entre eux.

— Que t’a donc fait Saffroy ? lui demanda-t-elle un soir que le jeune commis avait été tenu à distance avec plus de raideur encore que de coutume.

— Mais rien.

— Alors, mon enfant, permets-moi de te dire que je te trouve bien hautaine avec lui.

— Hautaine !

— Dure, si tu aimes mieux, raide et cassante. Saffroy, tu le sais, est notre ami bien plus que notre employé ; il a toute notre confiance. Et j’ajoute qu’il la mérite pleinement sous tous les rapports, il mérite d’être aimé ; jeune, beau garçon, intelligent, instruit, il rendra heureuse la femme qu’il épousera et il lui donnera une belle position dans le monde.