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cheur éblouissante formant le plastron ; cambrant sa poitrine bien prise dans une redingote boutonnée qui maintenait au majestueux un ventre proéminent ; tenant dans sa main soigneusement gantée une canne dont la pomme en argent était ciselée et niellée avec art ; frappant du talon de ses bottines l’asphalte du trottoir ; tendant le mollet, il passait à travers la foule, heureux de sa bonne santé, satisfait de sa prestance, glorieux de sa fortune et fier de l’impression que produisait sur les hommes celle qu’il promenait à son bras.

En peu de temps Madeleine avait fait ainsi, selon le désir de Léon, la conquête de son oncle et de sa tante, et si elle ne retrouva pas en eux un père et une mère, elle sentir au moins qu’elle était adoptée avec tendresse et non comme une parente pauvre dont on prend la charge parce qu’il le faut.

Dans l’apaisement que le temps amena peu à peu en elle, deux points noirs restèrent cependant inquiétants pour son esprit et menaçants pour son repos.

L’un se trouva dans les soins gênants dont l’entoura le principal employé de son oncle, un jeune homme de l’âge de Léon et son camarade de classes, nommé Eugène Saffroy ; — l’autre dans l’ignorance où son oncle la laissait à propos du règlement des affaires de son père.

Le premier souci de son oncle, dès qu’elle s’était installée à Paris, avait été de provoquer son émancipation, et, aussitôt qu’il sent obtenue, de se faire donner une procuration générale, de telle sorte que Madeleine n’eût à se préoccuper ni à s’occuper de rien. Si elle avait osé, elle aurait dit qu’elle désirait au contraire régler elle-même tout ce qui touchait la succession de