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À ce mot, Madeleine ne montra ni surprise ni émotion, mais tirant un morceau de papier d’un carnet, elle le plia en quatre et le tendit à son cousin.

— Voici la liste des objets que je te prie de me faire expédier, dit-elle.

— Mais je ne vais point à Rouen, je pars pour Madrid.

— Madrid !

Et cette émotion que Léon lui reprochait tout bas de n’avoir point manifestée quelques secondes auparavant fit trembler sa voix et pâlir ses lèvres frémissantes.

— Tu pars ! répéta-t-elle tout bas et machinalement : Ainsi tu pars.

— Demain.

— Et tu seras longtemps absent ?

Il hésita un moment avant de répondre.

— Je ne sais.

— C’est-à-dire pour être franc que tu ne peux pas prévoir le moment de ton retour, n’est-ce pas ? Tu as été si bon, si généreux pour moi, que me voilà tout attristée.

Puis baissant la voix :

— Avec qui parlerai-je de lui ?

Et deux larmes coulèrent sur ses joues.

C’était la pensée de son père qui, assurément, faisait couler les larmes, et cette pensée seule.

— Et pourquoi n’en parlerais-tu pas avec mon père ? demanda Léon après quelques minutes de réflexion ; tu sais qu’ils se sont aimés tendrement comme deux frères, et je t’assure qu’avant cette rupture qui a brisé nos relations, mon père avait plaisir à raconter des histoires de son enfance et de sa jeunesse, auxquelles son