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et alors, comme si elle se parlait à elle-même, elle répétait un mot que dix fois, que vingt fois déjà elle avait dit :

— Mais comment ne l’a-t-on pas secouru ?

Vers dix heures, on entendit dans la pièce voisine un bruit de pas lourds et de voix étouffées ; c’étaient les marins et les pêcheurs, qui arrivaient : Léon en avait demandé dix, une vingtaine répondirent à son appel, car en apprenant la mort de M. Haupois et le service qu’on demandait, chacun avait voulu venir en aide au chagrin de cette pauvre jeune fille qui pleurait son père ; et puis sur les côtes on est compatissant aux catastrophes causées par la mer ; aujourd’hui notre voisin, demain nous-même.

Quand Madeleine entra dans la pièce où ces gens étaient réunis, tous les bonnets de laine se levèrent devant elle, et ces rudes visages halés par la mer exprimèrent la compassion et la sympathie ; cela s’était fait silencieusement, sans que personne dit un seul mot.

Alors un homme sortit du groupe et s’avança vers Madeleine.

C’était un pêcheur nommé Pécune, dont le père et le fils avaient été noyés, trois mois auparavant, dans une de ces sautes de vent si fréquentes et si dangereuses sur ces côtes sans ports, où les barques de pêche qui doivent échouer par tous les temps sur la grève presque plate sont mal construites pour résister à un coup de vent.

— Mademoiselle, dit-il, comptez sur nous : j’ai retrouvé mon père, nous retrouverons le vôtre.

Un autre s’avança aussi d’un pas :