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— Chère Madeleine, je suis dans une situation horrible ; follement, par chagrin, je me suis jeté dans une liaison honteuse, et plus follement encore je me suis laissé entraîné à un mariage, qui, pour être nul légalement, n’en fera pas moins le désespoir de ma vie. Cette liaison, je veux la rompre, comme je ne veux jamais revoir celle qui m’a poussé à cette folie. Pour cela, j’ai pris le parti de quitter la France et de me cacher en Amérique. Seusement, il faut que tu saches que je suis sans ressources et que, pourvu d’un conseil judiciaire, je ne puis pas emprunter. Or, m’en aller en Amérique sans rien, c’est m’exposer à mourir de faim. Veux-tu m’aider à aller en Amérique, et à y gagner ma vie en me prêtant l’argent nécessaire à cela ? Cela est étrange, n’est-ce pas, que moi, héritier de la maison Haupois-Daguillon, j’emprunte quelques milliers de francs à une pauvre fille comme toi ; enfin, c’est ainsi ; ta pauvreté te permet elle de me prêter ; de me donner ce que je demande à ton amitié, à notre parenté ?

— Je le pourrais, mais je ne le veux pas, car je ne peux pas t’aider à partir.

— Il faut que je parte, cependant.

— Pourquoi partir si tu sens, si tu es sûr que cette rupture est irrévocable ?

— Parce que… il hésita assez longtemps, — parce que, quand je me suis jeté dans cette liaison, ça été pour oublier une personne que… j’avais aimée ; et que je croyais ne jamais revoir. Depuis que j’ai revu cette personne, j’ai reconnu que je l’aimais toujours, que je l’aimais plus que je ne l’avais aimée. Mais cette personne ne peut m’aimer ; et le pût-elle, je ne puis pas