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aimait une femme qui ne pouvait être à lui, et il n’aimait plus celle à laquelle il était lié.

Si les rapports qu’il avait lus disaient vrai, et maintenant il le croyait, il devait être un objet de risée ou de mépris pour ceux qui le connaissaient, et aux yeux de ceux gui la connaissaient, elle, il était déshonoré ; on peut donner sa fortune, son cœur à une femme perdue, on ne lui donne pas son nom.

Et pendant toute la soirée pendant la nuit surtout où il dormit peu, réveillé qu’il était à chaque instant par le hurlement de la tempête, le tumulte des vagues, les plaintes du vent dans la cheminée, les secousses qu’il imprimait à la porte et à la fenêtre, le balancement de la maison, cette pensée lui revint sans cesse, l’obséda, l’hallucina. Quand il s’endormait, il continuait d’entendre le vent, et il sentait ses idées tumultueuses rouler dans sa cervelle, se heurter, se confondre en tourbillon comme les vaques qui venaient frapper et se briser sur la côte avec des coups sourds qu’il percevait douloureusement.

Quand il se leva le lendemain matin, le vent était calmé et la pluie tombait à torrents ; comme il était impossible de sortir, il resta au coin du feu ; enfin les nuages passèrent et le temps s’éclaircit. Il put alors quitter sa chambre ; mais, au lieu de descendre à la mer, il remonta dans le village pour aller au cimetière, à la tombe de son oncle. Comme il longeait l’église, il aperçut devant cette tombe une femme inclinée dans l’attitude du recueillement et de la prière : bien qu’enveloppée dans un gros manteau et encapuchonnée, cette femme ressemblait à Madeleine.

Il avança vivement : c’était elle.