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Il s’en alla à Saint-Aubin pour penser à Madeleine et revoir le pays où ils avaient vécu ensemble pendant huit jours. Le village était désert, ou tout au moins les maisons bâties au bord du rivage étaient closes ; il semblait qu’on était dans une ville morte, dont tous les habitants avaient miraculeusement disparu : Pompéi ou le château de la Belle au bois dormant. Il trouva cependant un hôtel où l’on voulut bien le recevoir, et un marchand qui lui vendit une vareuse, un bonnet de laine, une chemise de flanelle et des bottes ; alors il put descendre sur la grève où les vagues furieuses venaient s’abattre en creusant des sillons dans le sable : suivant le rivage, il alla jusqu’à Courseulles, dîna dans une auberge et s’en revint le soir lentement par la plage, s’arrêtant de place en place pour regarder les nuages qui passaient sur la face de la lune, ou pour chercher les deux phares de la Hève qui disparaissaient souvent dans des embruns.

Comme cette nuit ressemblait à celle où il était venu avec Madeleine et les pêcheurs, chercher à cette même place le cadavre de son oncle ! cette lune qui le regardait maintenant solitaire les avait vus alors tous les deux, et sur ce sable elle avait joint leurs ombres.

Que n’avait-il parlé alors, ou tout au moins quelques jours plus tard, à Paris, elle n’eût pas quitté la maison de la rue de Rivoli, elle ne serait pas devenue chanteuse, et lui…

Il voulut chasser la pensée qui se présenta à son esprit, mais il n’y parvint qu’en évoquant l’image de Madeleine.

Ah ! comme il l’aimait !

Et c’était là justement le malheur de sa situation : il