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signaux, marchant en zigzag, la figure cinglée par le gravier : contre ce pavillon et contre la batterie des gens se tenaient abrités, risquant de temps en temps un œil pour regarder la mer.

Le jour se levait, sale et livide, obscurci par les nuages qui arrivaient de l’ouest en traînant sur la mer : çà et là dans ce mur noir s’ouvraient des trouées jaunes qui éclairaient l’horizon, mais, aussi loin que la vue pouvait s’étendre on n’apercevait qu’une immense nappe d’écume, sans une seule voile ; bien que la marée ne fût pas encore haute, des gerbes d’eau passaient par-dessus la jetée.

Léon resta environ une heure à regarder ce spectacle, puis l’idée lui vint d’aller faire une promenade en mer s’il trouvait un bateau prêt à sortir : ce temps était à souhait pour son état moral.

Pour revenir à l’avant-port il n’eut qu’à se laisser pousser par le vent, mais ni les bateaux d’Honfleur ni ceux de Trouville ne se préparaient à sortir ; seul le bateau de Caen chauffait. Il irait à Caen. Que lui importait un pays ou un autre jusqu’à ce qu’il sût ce qu’il ferait ? pour aller à Caen la traversée serait plus longue, et cela ne pouvait pas lui déplaire. Il embarqua donc et il se trouva le seul passager qui eût osé braver ce gros temps ; un matelot à qui il s’adressa, une pièce blanche dans la main, lui prêta une vareuse et un surouet imperméables, et ainsi équipé, il resta pendant toute la traversée appuyé contre le mât d’artimon, secoué par la mer, bousculé par le vent, arrosé par les vagues, mais éprouvant intérieurement un sentiment d’apaisement.

Arrivé à Caen, il ne s’y arrêta pas : Qu’avait-il à y faire ?