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et là il se souvint qu’il n’avait pas dîné. Il entra dans un restaurant, et dit au garçon de lui servir à manger, n’importe quoi, ce qui se trouverait de prêt.

Qu’allait-il faire en sortant de ce restaurant ? Il ne pouvait pas errer toute la nuit dans les rues ; il ne pouvait pas davantage rentrer chez lui rue Auber, puisqu’il était décidé à ne revoir jamais Cara.

À ce moment, une personne qui occupait la table voisine de la sienne dit au garçon de se presser, afin de ne pas lui faire manquer le train du Havre.

Ce nom, tombant par hasard dans son oreille, lui suggéra l’idée d’aller au Havre, la mer le calmerait. Justement il avait changé un billet de cinq cents francs le matin et il en avait gardé la monnaie, c’était plus qu’il ne lui fallait pour ce petit voyage.

Bien qu’il fût seul dans son compartiment, il ne put pas dormir, il était trop agité, trop fiévreux, et puis il soufflait au dehors un vent de tempête qui secouait les vitres du wagon à croire qu’elles allaient se briser. Quand il regardait dans la campagne, il voyait, éclairés par la lune, les arbres sans feuilles se tordre sous l’effort du vent ; puis tout à coup il ne voyait plus rien, la lune se voilait de gros nuages noirs, et des ondées rapides fouettaient les vitres.

À Motteville, il aperçut une rangée d’énormes sapins couchés dans le champ les racines en l’air.

En débarquant au Havre, au petit jour, il prit une voiture et dit au cocher de le conduire à la jetée, mais celui-ci ne put aller beaucoup plus loin que le musée.

— Ma voiture serait culbutée par le vent, dit-il, en criant ces quelques mots dans l’oreille de Léon.

Léon descendit et s’en alla jusqu’au pavillon des