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resté à dîner avec sa cousine Madeleine et qu’après dîner il avait passé sa soiréeà l’Opéra. Qu’eût dit Cara qui, pour un retard de dix minutes, lui faisait d’interminables scènes de jalousie ? Combien souvent l’avait-elle interrogé curieusement sur cette cousine, lui demandant toujours et cherchant de toutes les manières à savoir s’il l’avait aimée ! Ne serait-elle pas malheureuse de ce dîner et de cette soirée ? Pourquoi lui imposer cette souffrance par un aveu inutile ? Pourquoi éveiller ses soupçons ? Pourquoi la faire souffrir dans le présent et la tourmenter dans l’avenir ? Il les connaissait, les souffrances de la jalousie, et il tenait à les épargner à celle envers qui il se sentait des torts.

Mais si cette histoire fut acceptée sans éveiller les défiances de Cara, celles qu’il dut inventer le lendemain et le surlendemain pour expliquer ses absences, ne le furent point de la même manière : jusqu’alors il sortait peu ; pourquoi maintenant sortait-il ainsi ?

Il ne suffit pas de vouloir, pour mentir, il faut savoir ; et l’art du mensonge ne s’acquiert pas facilement ; à des dispositions naturelles, il faut en effet joindre un talent qu’on n’obtient que par le travail et par le métier : inventer est peu de chose ; se souvenir de ce qu’on a invité de manière à le répéter la vingtième fois à l’improviste, comme on l’a dit la première après une savante préparation, voilà ce qui exige des qualités de mémoire et d’assurance qui sont raresa Ces qualités, Léon ne les possédait pas ; non-seulement il n’avait pas le don de l’invention, mais encore il manquait de métier ; ses histoires, qu’il cherchait laborieusement quand il revenait de chez Madeleine, il les disait tout simplement, mollement, et sans leur donner le coup de pouce