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Ce fameux million qu’on lui offrait, elle avait la conscience de pouvoir le gagner. Si elle acceptait de devenir la femme de Léon, ce ne serait point pour un million, ni pour deux, ni pour dix, ce serait par amour… si, comme on le lui disait, il l’aimait encore ; ce serait par un sentiment de dévouement.

Sa tante, en s’adressant à ce sentiment, produisit donc sur elle un tout autre effet que le million.

L’émotion de la mère, sa tendresse, ses angoisses passèrent en elle, et quand elle vit sa tante, naguère si haute et si fière, se mettre à ses genoux pour la prier, pour la supplier de sauver Léon, elle la releva en la serrant dans ses bras :

— Je verrai Léon, dit-elle.

— Mais il t’aime, chère enfant, il n’a jamais cessé de t’aimer, c’est pour t’oublier qu’il s’est jeté dans les bras de cette femme.

— Qui sait si elle n’a pas réussi ? avant que je vous réponde, permettez-moi donc de m’entretenir avec Léon, et soyez certaine que si je trouve dans son cœur le sentiment dont vous parlez, auquel vous voulez croire…

— Auquel nous croyons tous.

— Soyez certaine que je ne penserai qu’à ce sentiment. Je n’ai pas le droit, chère tante, de me montrer bien rigoureuse, bien exigeante. Moi aussi j’ai besoin d’indulgence. Moi aussi j’ai à me faire pardonner.

Sa tante la regarda avec une anxieuse curiosité :

— Et quoi donc ? demanda-t-elle.

— Ma profession. Ce n’est plus Madeleine Haupois que vous donnez pour femme à votre fils, c’est Madeleine Harol. Je suis comédienne, et, quoique ma