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— Il est malheureux ?

— Très-malheureux, le plus malheureux homme du monde.

— Mon Dieu !

De nouveau il la regarda, elle paraissait profondément émue et troublée, et cependant elle n’était plus une enfant qui s’abandonne sans résistance à ses impressions ; de grands changements s’était faits en elle, elle avait pris de l’assurance dans le regard, de la liberté et de l’aisance dans ses attitudes, sa voix avait de la fermeté, son geste de l’ampleur, la jeune fille était devenue une jeune femme.

— Mon enfant, dit Byasson en lui prenant la main, je vais être sincère avec vous et tout vous apprendre : Léon est tombé sous l’influence d’une femme indigne de lui, et comme il est tendre, comme il est bon, comme le bonheur pour lui consiste à rendre heureux ceux qu’il aime, il a été promptement dominé, sa volonté a été annihilée, et si complétement, que dans une heure de folie, n’ayant personne auprès de lui, seul en Amérique, il s’est laissé marier à cette femme. Comment cette folie a-t-elle été provoquée ? c’est là le point intéressant, et je vous demande, mon enfant, de m’écouter avec la confiance que vous accorderiez à votre père, si vous l’aviez encore, comme un ami dévoué, qui a toujours eu pour vous une ardente sympathie et qui vous aime de tout son cœur.

Sans répondre, elle lui serra la main dans une étreinte émue.

— C’est non-seulement de Léon que je dois parler, c’est encore de vous, c’est non-seulement de ses sentiments, c’est encore des vôtres. Le sujet est difficile, délicat,