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Une fois encore la mère coupa la parole au père, la femme au mari :

— Qui vous dit que Madeleine a éprouvé pour Léon les sentiments que vous croyez ? Si cela a été, qui vous dit que cela est encore ?

— Rien, vous avez raison ; j’ai toujours cru que Madeleine avait pour Léon autre chose que l’affection d’une cousine ; j’ai cru aussi qu’elle avait quitté votre maison parce qu’elle ne voulait pas s’abandonner à un sentiment qu’elle savait n’être jamais approuvé par vous ; enfin je crois que si, dans la carrière qu’elle a embrassée, elle a pu rester honnête comme on me l’a dit, c’est parce qu’elle a été gardée par ce sentiment. Il est certain que je puis me tromper, je le reconnais. Mais il est certain aussi que si, contrairement à mon espérance, ce sentiment n’existe pas, et que si d’autre part vous n’acceptez pas Madeleine pour votre belle-fille, Léon, avant deux mois, sera marié avec Cara par un mariage que ni les tribunaux civils, ni les tribunaux ecclésiastiques ne pourront rompre. La question présentement se réduit à ceci : Qui préférez-vous pour belle-fille de Cara ou de Madeleine ? Décidez. Maintenant laissez-moi vous répéter encore ce que je vous ai déjà dit. Léon ne consentira à voir les preuves dont vous attendez merveille que si Madeleine lui ôte le bandeau que Cara lui a mis sur les yeux. Essayez de vous servir de ces preuves avec un aveugle, et vous hâterez son mariage. Ce ne sera pas Cara qu’il accusera, ce sera vous. Je ne suis pas un grand maître dans les choses du cœur, cependant j’ai vu des gens possédés par la passion, et de ce que j’ai vu est résultée pour moi la conviction que, quand une femme est parvenue à mettre