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l’étreignant, le fascinant : s’il y avait de l’habileté dans ce qu’elle disait, combien plus encore y en avait-il dans la façon dont elle le disait : ce discoure eût pu laisser calme un indifférent, mais ce n’était pas à un indifférent qu’elle s’adressait, c’était à un homme qui l’aimait, qui était séparé d’elle depuis quinze jours, qu’elle avait depuis longtemps étudié dans son fort aussi bien que dans son faible, et qu’elle connaissait comme la pianiste connaît son clavier. Pendant toute la traversée, elle avait soigneusement travaillé les airs qu’elle jouerait sur ce clavier, et, dans ce qu’elle disait, dans ce qu’elle faisait, rien n’était livré aux hasards dangereux de l’improvisation.

Que n’eût-elle pas espéré si elle avait pu savoir que celui sur qui elle exerçait déjà tant de puissance venait d’être frappé au cœur par un coup qui lui enlevait toute force de résistance ! Connaissant la dépêche au banquier, ce n’eût peut-être pas été le seul mariage religieux qu’elle eût poursuivi.

Elle reprit :

— Pour être sincère, je dois dire que ce n’est pas seulement le repos de ma conscience que je te demande, c’est encore celui de ma vie entière, celui de la tienne. Il est bien certain que, par tous les moyens, tes parents poursuivront notre séparation ; le passé nous annonce l’avenir ; ils ne reculeront devant rien. Qui sait s’ils ne réussiront pas ? On est bien fort quand on est prêt à tout. Ce mariage nous défendra contre eux, et il me donnera la sécurité sans laquelle je ne peux plus vivre. Tu leur diras la vérité, et alors ils seront bien forcés de renoncer à la guerre. Qui sait même si ce ne sera pas la paix qui se fera quand ils auront compris que la