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vanité et leur orgueil ; donc je devais renoncer à mon projet de mariage tel que je l’avais arrangé dans ma tête pendant ces si longues journées. Je ne suis pas femme à désobéir à la volonté de Dieu ; je renonçai donc à ce mariage.

Elle baissa les yeux comme si elle était profondément émue, mais elle avait été douée par la nature d’une qualité que l’usage avait singulièrement perfectionnée, celle de voir sans paraître regarder ; elle remarqua que le visage de Léon, jusqu’alors douloureusement contracté, se détendit.

Après un moment donné à l’émotion, elle poursuivit :

— Le second avertissement était moins clair : comment ne pas persévérer dans la vie qui était la nôtre ? La première idée qu’il s’offrit à mon esprit fut celle de la rupture : je devais me séparer de toi. S’il m’avait été cruel de renoncer à ce projet de mariage qui assurait mon bonheur pour l’éternité, combien plus cruelle encore me fut la pensée de la séparation ! J’avais pu, après bien des combats, abandonner l’espérance d’être ta femme ; mais je ne pouvais pas t’abandonner toi-même, renoncer à notre amour, à mon bonheur, à la vie. Je me dis qu’il était impossible que telle fût la volonté de Dieu, et je cherchai un autre sens à ces paroles. C’est hier seulement que j’ai trouvé, et de ce moment j’ai abandonné ma cabine, guérie, pour monter sur le pont comme si j’étais insensible au mal de mer ; voilà pourquoi je ne suis pas trop défaite ; ah ! si tu avais pu me voir il y a deux ou trois jours, je n’étais qu’un spectre : comment suis-je ?

Elle resta un moment assez long à le regarder dans