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— Comment as-tu pu admettre de sang-froid que je te trompais ?

— Remarque que j’étais dans une situation terrible : si je n’admettais pas que tu me trompais, je devais admettre que c’était ta mère qui te trompait, et, malgré tout, je n’osais porter une pareille accusation contre celle qui était ta mère, tant jusqu’à ce jour je m’étais habituée à la respecter. Enfin je passai quelques jours dans une angoisse affreuse, malade en plus, horriblement malade par la mer. Pendant ces jours de douleur, je n’ai pas quitté ma cabine. Cependant, cet état de maladie et de faiblesse a eu cela de bon qu’il a calmé la fièvre et la colère qui me dévoraient quand j’ai quitté Paris. Une nuit que tout le monde dormait dans le navire et que le silence n’était troublé que par le ronflement de la machine et le gémissement du vent dans la mâture, j’ai eu une vasion. Je dis une vasion et non un rêve, car je ne dormais pas. Écoute-moi sérieusement.

— Je t’écoute.

— Sans douter de la réalité de cette vasion, malgré ton irréligion. J’ai vu, j’ai entendu mon ange gardien. Avec tes idées, je sais que cela doit te paraître insensé ; cependant cela est ainsi. Il me parle, et voici ses paroles : « Tu serais coupable de pousser ton ami à peiner ses parents. Mais tu serais coupable aussi de persévérer plus longtemps dans la vie qui est la vôtre. » Puis la vasion disparut, et je testai livrée à mes pensées, m’efforçant de m’expliquer ces paroles qui m’avaient bouleversée. Le premier avertissement me parut assez facile à comprendre, il voulait dire que je ne devais pas exiger de toi les sommations respectueuses à tes parents, qui seraient une si cruelle blessure pour leur