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aussi franchement une déclaration de guerre à visage découvert. Si elle l’avait cru capable d’un pareil coup de tête, elle n’aurait pas entrepris ce voyage d’Amérique, et à Paris même elle se fût fait épouser. Si, malgré ses prévisions, elle avait cependant parlé de ce mariage précédé de sommations, c’est parce qu’il était dans ses principes de ne jamais rien négliger de ce qui avait une chance, si faible qu’elle fût, de réussir. Or, comme il se pouvait que Léon, en se voyant en butte aux tracasseries de sa famille, entrât dans un accès d’exaspération qui lui ferait accepter cette idée de mariage, elle avait cru devoir la mettre en avant, quitte à se replier sur une autre, si celle-là était repoussée. Et, en conséquence, elle avait préparé cette autre idée dont la réalisation, pour lui donner des avantages moins complets que la première, n’en serait pas moins cependant pour elle un superbe succès qui couronnerait ses efforts.

L’exaspération ne s’étant pas produite chez Léon au point de l’entraîner aux dernières extrémités, Cara ne commit point la maladresse de lui faire une scène de reproches, qui n’aurait abouti à rien de pratique. Elle était indignée de voir son embarras et son trouble, et c’eût été avec une véritable jouissance qu’elle lui eût reproché sa lâcheté en l’accablant de son mépris. Mais on ne fait pas ce qu’on veut en ce monde, et elle n’avait pas traversé l’Océan pour s’offrir des jouissances purement platoniques. Plus tard elle se vengerait de ces hésitations enfantines ; pour le moment, elle avait mieux à faire ; plus tard, elle lui dirait ce qu’elle pensait de lui ; pour le moment elle ne devait lui dire que ce qui était utile.