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son argent ; si tu comprends tout cela, tu n’hésites pas à me donner ton nom dont je suis digne par l’amour que je t’ai toujours témoigné ; si tu hésites, retenu par je ne sais quelles lâches considérations mondaines, je n’hésite pas, moi, à me séparer d’un homme qui n’est pas digne d’être aimé.

Elle avait prononcé ce discours, évidemment préparé à l’avance, en détachant chaque mot, et les yeux dans les yeux de Léon ; c’était en arrivant seulement à son projet de mariage qu’elle avait pressé son débit, de manière à n’être pas interrompue. Ayant dit ce qu’elle avait à dire, elle attendit, suivant sur le visage de son amant les divers mouvements qui l’agitaient, et lisant en lui comme dans un livre.

Or, ce qu’elle lisait n’était pas pour la satisfaire : tout d’abord la surprise, puis l’embarras, puis enfin la répulsion.

Mais elle n’était pas femme à se fâcher et encore moins à se décourager en voyant l’accueil fait à son projet.

À vrai dire, elle l’avait prévu cet accueil. Elle connaissait trop bien Léon pour s’imaginer, alors que dans les longues heures de la traversée elle préparait ce discours, qu’il allait lui répondre en lui sautant au cou et en écrivant à un notaire de Paris pour que celui-ci procédât aux sommations respectueuses. Cette hardiesse de résolution n’était pas dans le caractère de Léon. Si monté qu’il pût être contre ses parents, — et de ce côté elle l’avait trouvé dans les dispositions les plus favorables à ses desseins, — si exaspéré qu’il fût, il avait trop le sentiment de la famille, il était trop petit garçon, il était trop dominé par le respect humain pour risquer