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C’était sa mère qui annulait, par une dépêche adressée à son banquier et non à lui-même, le crédit qu’elle lui avait ouvert avant son départ, gracieusement, généreusement, sans même qu’il le demandât, et d’une façon beaucoup plus large qu’il ne paraissait nécessaire.

Évidemment c’était quand sa mère avait appris le départ d’Hortense, qu’elle avait envoyé une dépêche ; mais alors, pourquoi l’avoir adressée au banquier et non à lui ? il y avait là une marque de méfiance qui lui causa une profonde blessure, aussi cruelle que l’avait été celle faite par la demande de conseil judiciaire.

Qu’elle crût qu’il l’avait trompée en se faisant accompagner par Hortense dans ce voyage, cela il l’admettait et il ne pouvait pas trop se fâcher de cette absence de confiance ; mais qu’elle le supposât capable de s’approprier indélicatement un argent qu’on lui refusait, cela malgré ses efforts pour se calmer, l’exaspérait et lui donnait la fièvre.

Ce fut dans ces dispositions qu’il attendit que le Labrador arrivé, mais retenu à la quarantaine, pût débarquer ses passagers.

Si Hortense ne pouvait pas lui apprendre ce qui avait inspiré la dépêche au banquier, au moins elle lui expliquerait ce qui avait nécessité son voyage ; il n’aurait plus à aller d’une interrogation à une autre, les brouillant, les enchevêtrant et n’arrivant à rien.

De loin il l’aperçut, appuyée sur le bastingage, lui faisant des signes avec son mouchoir.

Enfin elle mit le pied sur le pont volant et, se faufilant au milieu des passagers qui ne se hâtaient point, n’étant attendus par personne, elle arriva à Léon, et émue, palpitante, elle se jeta dans ses bras.