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— À quelqu’un de qui tu ne peux pas être jaloux, car si bon que tu sois, il est encore meilleur que toi ; si sensé, si ferme que tu sois, il est encore plus sensé et plus ferme que toi, — au bon Dieu. Je viens de la Madeleine. J’ai été bien longtemps, cela est possible, mais j’ai prié jusqu’à ce que la lumière se fasse dans mon esprit troublé et me montre la route à suivre.

— Et de quelle route parles-tu ? demanda Léon, qui était fort peu religieux de nature et d’éducation.

— De celle que nous devons prendre au sujet de la proposition de ta mère : il faut que tu acceptes cette proposition.

— Tu veux que je parte en voyage, s’écria-t-il, toi ! c’est toi qui me donnes un pareil conseil ?

— Oh ! le mauvais regard que tu m’as jeté. Ne détourne pas les yeux, j’ai lu ce qu’ils disaient ; c’est une pensée de jalousie qui t’a arraché ce cri.

— De surprise, de doute, en ne comprenant pas comment tu peux me conseiller de partir.

— Oh ! l’ingrat ! Je pense à lui, je ne pense qu’à lui et à sa mère, je me sacrifie, et il s’imagine que je lui conseille de s’en aller en voyage pour être libre pendant qu’il sera parti ! Mais, si je voulais ma liberté, qui m’empêcherait de la prendre ? Sommes-nous mariés ? Non, n’est-ce pas ? Je ne suis que ta maîtresse, et je puis te quitter demain, tout de suite. Si je ne le fais pas, c’est parce que je t’aime, n’est-ce pas ? et rien que pour cela. C’est parce que je t’aime que j’ai accepté cette existence mesquine et bourgeoise, et non pour autre chose, non pour les plaisirs et les avantages qu’elle me procure. Voilà en quoi le conseil judiciaire que tes parents t’ont donné est bon, c’est qu’en te liant