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résolution de suicide chez un homme tel que son oncle, il fallait bien cependant s’habituer à la considérer comme réelle : — « Demain tout sera fini pour moi. »

Le seul point sur lequel l’espérance était encore possible était celui qui avait rapport au moment où ce suicide s’accomplirait ; à l’heure présente, neuf heures quarante minutes, était-il ou n’était-il pas accompli ? Tout était là ?

Après quelques instants de douloureuse réflexion, il se dit que dans dix minutes, le train allait s’arrêter à Mantes, où se trouve un bureau télégraphique, et qu’il fallait saisir cette occasion pour envoyer une dépêche à Madeleine.

Il avait dans son sac papier, plume et encre ; sans perdre une minute, il se mit aussitôt à rédiger sa dépêche :

Mademoiselle Madeleine Haupois,

maison Exupère Héroult.

Saint-Aubin-sur-Mer, par Bernières.

(Avec exprès).

« Je viens de voir un médecin de Rouen qui me dit qu’il est dangereux de laisser mon oncle sortir seul ; veille sur lui ; ne le quitte pas ; je serai près de vous vers quatre heures de soir

« LÉON HAUPOIS. »

Il eût fallu être plus précis, mais cela n’était possible qu’en disant la vérité entière ; or, cette vérité, il ne pouvait la dire qu’en commettant un abus de confiance.

De là cette dépêche étrange.

C’était cette étrangeté même qui faisait précisément son mérite ; — si elle arrivait à Saint-Aubin avant que