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l’assentiment de ta famille et non malgré elle. C’est donc d’elle que j’ai besoin, c’est son appui qu’il me faut. Ne sens-tu pas combien saurais été heureuse que ta mère pût apprendre que c’était moi qui t’envoyais près d’elle ? Elle m’aurait su gré de ce commencement de réconciliation, et elle aurait compris que je n’étais pas la femme qu’elle s’imagine d’après de faux rapports. Tu vois donc que, loin de te retenir, saurais été la première à te dire d’aller l’embrasser.

— Quand Jacques m’a dit que ma mère était malade, je n’ai pensé qu’à cette maladie, et je suis parti sans autre réflexion ; mais, quand elle m’a demandé de dîner avec elle, la pensée m’est venue alors que si tu pouvais me parler tu me dirais : « Reste ».

— Oh ! pour cela il faut que je t’embrasse.

Ce n’était pas la première fois que Cara parlait de son mariage, c’était peut-être la centième ; mais toujours elle avait eu grand soin de le faire d’une façon incidente, en passant, tout d’abord comme d’une idée folle, puis comme d’un rêve irréalisable, puis peu à peu en précisant, mais de telle sorte cependant que Léon ne pût pas lui répondre d’une façon catégorique : cette réponse eût dû être un oui, elle l’eût bravement provoquée ; mais comme à l’embarras de Léon, lorsqu’elle abordait ce sujet, il était évident que ce oui n’était pas prêt à venir, elle n’avait jamais voulu brusquer un dénoûment qui ne s’annonçait pas comme devant s’accorder avec ses désirs. Il fallait attendre, patienter, cheminer lentement sous terre, tendre les fils de la toile qui devait le lui livrer sans défense, et encore n’était-il pas du tout certain que cette heure sonnât jamais. Elle n’insista donc pas plus dans cette occasion